11.12.24 - ULille
Sylvain Delcomminette (ULB, Bruxelles)
"Idéalisme et Philosophie Grecque : ce que Natorp a vu et que Burnyeat a manqué"
Dans son article « Idealism and Greek Philosophy: What Berkeley Missed and Descartes Saw », Myles Burnyeat s'efforce de démontrer que l'idéalisme n'a été formulé ni défendu par aucun auteur de l'Antiquité. Il explique cette absence en affirmant que l'idéalisme ne pouvait être une position philosophique susceptible d'être défendue avant la révolution introduite par Descartes ; à cet égard, la philosophie grecque, antérieure à l'apparition des conditions mêmes de possibilité de l'idéalisme, serait restée dominée par la présupposition inquestionnée et inquestionnable du réalisme. Toutefois, Burnyeat assimile principalement l'idéalisme à l'immatérialisme de Berkeley, bien qu'il étende sa démonstration à une position plus proche de l'idéalisme transcendantal kantien.
Sylvain Delcominette, dans son article « Idealism and Greek Philosophy: What Natorp Saw and Burnyeat Missed », soutient que cette deuxième sorte d'idéalisme possède une légitimité historique supérieure à la doctrine de Berkeley, et qu'elle doit donc lui être préférée dans une caractérisation de l'idéalisme. Partant de ce constat, Delcominette compare la lecture de Burnyeat à l'interprétation que donne Natorp de Platon dans sa Platos Ideenlehre, sous-titrée « Une introduction à l’idéalisme » : contrairement à Burnyeat, Natorp soutient qu'il existe un idéalisme sous-jacent dans la philosophie grecque, qu'il est possible de rendre manifeste par une interprétation des différents sens du verbe « être » dans le corpus platonicien. Cette lecture, loin d'être la traduction de préjugés kantiens projetés sur les textes, se trouve au contraire aussi bien accréditée par la rigueur philologique de Natorp que par des études plus récentes abondant en son sens.
Alors même que Burnyeat prétendait clore le débat portant sur l'existence d'un idéalisme chez les Anciens, l'article de Sylvain Delcominette, en réhabilitant la lecture de Platon par Natorp, démontre que cette existence, loin d'être historiquement absurde, présente de sérieuses raisons d'être réenvisagée.